Wagah Border : la frontière indo-pakistanaise

Depuis la partition de l’Inde et du Pakistan en 1947, les deux pays alternent périodes de crise et de détente sur fond de guerre larvée concernant la région du Cachemire. Des observateurs spatiaux peuvent ainsi constater de loin les litiges entre Terriens...

La frontière terrestre entre l'Inde et le Pakistan  sépare les territoires de l'Union indienne de ceux  Pakistan. Elle mesure 2 912km. Les rapports entre les deux pays sont très tendus et les passages sont strictement limités. La principale source de discorde entre les deux pays concerne le Cachemire : dans cette région, il n'a pas été trouvé de consensus sur le tracé de la frontière.

 

Wagah Border
Unique point de passage terrestre entre l'Inde et le Pakistan, jusqu'a l'ouverture, en avril 2005, de la liaison Srinagar-Muzaffarabad dans le Cachemire. Seule porte ouverte, parfois entrouverte ou même fermée, selon les développements des relations en dents de scie entre les deux frères ennemis du sous-continent.

Nous sommes dans l'état du Punjab, ou plutôt à la frontière entre les deux Punjab, l'indien et le pakistanais, à mi-chemin entre deux des cités les plus illustres d'Asie: D'un côté, Lahore, capitale historique du Punjab et capitale de l'état  pakistanais éponyme, fière de son passé moghol, ses mosquées et ses jardins de Shalimar. De l'autre, Amritsar, capitale du Sikhisme, fabuleux Temple d'Or. Mais Amritsar privée du statut de capitale d'état au profit de la grisâtre Chandigarh.

C'est là où la route s'achève et où une autre commence. Il y a les frontières entre pays amis (Etats Unis - Canada), celles ou les pays sont tellement amis entre eux qu'on les a aboli (Espace Shengen). Il y a les frontières entre riches et pauvres (USA - Mexique), les frontières entre pauvres et pauvres (en Afrique sub-saharienne). Et il y a les frontières entres les pays qui ne s'aiment pas beaucoup. Ces dernières sont de loin les plus croustillantes.

 

Dans la typologie des frontières entre pays qui ne s'aiment pas beaucoup, il y a celles qui sont hermétiquement fermées, comme la Porte de Fatma, séparant le Liban sud de la Galilée israélienne. On se regarde de part et d'autre d'une grille métallique, parfois on se provoque, mais chacun reste chez soi. Il y a celles, comme la frontière arméno-turque, dont personne ne sait si elle est ouverte ou fermée. Il y a enfin celles qui sont ouvertes, et qui ont, comme au point de passage de Ledra Palace  à Nicosie, des règles très précises qui évolue avec le temps . On trouve à cet endroit une propagande visuelle haute en couleur. Surenchère verbale et graphique. C'est là que nous revenons à notre sujet initial, Wagah.

 

Les deux faces du miroir brisé
Il y a ceux qui vont à la frontière pour traverser, et il y a ceux qui y vont pour regarder. Au lieu d'aller au théâtre, au cinéma ou à une exposition d'art contemporain, on va à la frontière. Activité quotidienne, ambiance et animation garanties. Tous les après midi, une demi-heure avant le coucher du soleil, les habitants d'Amritsar et de Lahore se rendent à Wagah Border. Des tribunes en dure avec tourelles d'inspiration moghole sont installées de part et d'autre des grilles métalliques. Le public se presse dessus.

 

Les touristes étrangers sont cordialement invités à s'installer dans la VIP zone, plus chic. Les "spectateurs" de ce spectacle qui n'existe pas se regardent mutuellement, comme des chiens de faïence.

 

Inde et Pakistan, Pakistan et Inde, histoire de rancœurs. Les nombreux officiers présents ne manquent pas de jouer les chauffeurs de salle. Notons que l'ambiance et plus "chaude" côté indien, plus populeuse aussi. Parait que 5000 personnes font le déplacement quotidien. Les gradins de la partie pakistanaise font preuve d'une plus grande retenue.

 

Le spectacle peut commencer
Quelques minutes avant le coucher du soleil, alors que l'excitation est à son comble et que vous - candide touriste étranger - vous demandez franchement ce que vous fabriquez dans cette nef de fous. Les gardes nationaux des deux pays défilent avec une synchronisation étonnante. Militaires vêtus de costumes d'apparat. Les armées indiennes et pakistanaises ont en commun ce sens de la grandeur et du décorum qui fait tache avec le ridicule de la situation. Défilé militaire pour la relève de la garde. On ouvre les portes simultanément, ou presque. Si celles du côté indien se sont ouvertes avant celles du côté pakistanais, les spectateurs indiens verront les armoiries pakistanaises avec étoile et croissant de lune.

L'inverse est aussi possible. Le clou de la cérémonie est la descente des couleurs.

Chaque matin, on hisse les drapeaux, chaque soir on les baisse. Sublime chorégraphie savamment orchestrée, comme dans Le Lac des Cygnes, ou les deux emblèmes de l'Inde et du Pakistan glissent lentement et se croisent. C'est très délicat, car aucun des deux ne doit se retrouver, à aucun moment, plus bas que son rival. Les conséquences seraient alors terribles... pour le moral des troupes.

 

Chaque jour, ce manège recommence
Démonstration de force entre les deux voisins? Lieu de propagande et de défoulement ou chacun vient cracher son venin à la face de l'autre? Promenade du dimanche quotidienne pour citadins qui n'ont rien d'autre à faire (si ils habitaient à Beyrouth, ils auraient glandé sur la Corniche?)? Wagah Border c'est tout ça et c'est rien. Un endroit ou deux peuples communiquent bizarrement. Malgré la haine, il faut quand même souligner l'incroyable coordination indo-pakistanaise. Ce cirque n'aurait eu aucune raison d'être si il ne se déroulait que d'un seul côté de la frontière. Ce travail avec et contre l'autre, cette envie de le voir pour l'ignorer témoigne de la schizophrénie quasi hystérique qui anime les relation entre deux états et deux peuples. Je t'aime moi non plus.
                                                                                                                                                             

8h21 : des soldats pakistanais (en noir) et des soldats indiens (en beige) baissent leur drapeau à la frontière indo-pakistanaise de Wagah, à quelques kilomètres de Lahore. Chaque jour des centaines de témoins assistent à cette cérémonie.

 

Lorsqu'en août 2011 les six astronautes à bord de la Station spatiale internationale ont survolé de nuit la frontière entre l’Inde et le Pakistan, deux des six pays les plus peuplés dans le monde, ils n’ont pas seulement vu les capitales New Delhi et Islamabad, les grandes viles et les réseaux de transport routiers. Ils ont également observé un trait épais de couleur orange qui est ni plus ni moins que la zone frontalière. Cette frontière est entièrement clôturée et éclairée pour éviter les trafics entre ces deux pays en mauvais termes. Une zone similaire sépare également la frontière orientale de l'Inde et du Bangladesh.

 

Survolée en aout 2011 par l'équipage 28 de l'ISS, la frontière indopakistanaise a été photographiée par les astronautes avec un objectif de 16 mm qui permet un large champ de vision. © Nasa